28.11.09

L'euthanasie vue par la Sécurité sociale étatique


Bonjour. Je m’appelle Bert Persson, je suis directeur au ministère des Affaires sociales et je vous souhaite la bienvenue à ce séminaire sur La phase terminale de l’être humain – en abrégé PTEH – organisé par nos soins.

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Mourir est considéré comme quelque chose qui n’est pas naturel. Plus que jamais. Et la racine du mal n’est pas, en premier lieu, le fait que l’euthanasie soit illégale, mais bien qu’elle le soit parce que si peu de gens la désirent. Une raison de poids à cela est bien entendu le fait qu’il a été réalisé de gros progrès dans la lutte contre la douleur, ce qui est en soi quelque chose d’excellent. Mais nous connaissons aussi ce que nous appelons la « nouvelle peur de la mort », et c’est à elle qu’il faut régler son compte. Nous avons besoin d’une nouvelle attitude face à la mort et au vieillissement, et pas seulement parmi les personnes âgées. Il faut qu’il soit à nouveau naturel de mourir, quand nous parvenons au terme de notre période d’activité. C’est un problème qu’il faut résoudre avec les vieilles personnes, et non pas contre elles.

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La situation est donc la suivante. Si nous voulons préserver la sécurité dont nous jouissons, il nous faudra, étant donné qu’aucune augmentation de nos ressources n’est en vue, la rendre sélective. Si nous voulons conserver notre système, toute mesure de coercition est exclue. Que nous reste-t-il, alors ?
Je voudrais maintenant tenter d’esquisser, de façon très schématique et introductive, une possible solution. Je partirai pour cela d’une question très simple : comment la société peut-elle susciter un désir d’euthanasie au sein des groupes concernés et préparer ainsi le terrain en vue d’une nouvelle législation ? Ou bien, à un stade encore plus avancé : comment accroître la préparation à la mort, comment inciter les personnes visées à quitter volontairement l’existence ? Certains d’entre vous trouveront peut-être cela utopique, et tel était bien notre avis au sein du PTEH, avant de nous mettre au travail. Mais ce n’est pas utopique. Il s’agit seulement d’éviter d’adopter une certaine terminologie politique, celle à laquelle ont en général recours les groupes de pression, celle qui fait appel aux intérêts particuliers aux dépens de l’intérêt général. Nous avons commandé un sondage d’opinion auprès d’un échantillon de personnes âgées, bien entendu sous une forme légèrement déguisée. Et celui-ci prouve que les gens sont bel et bien prêts à quitter cette vie. Dans une mesure qui dépasse toute attente. C’est en particulier le cas pour les groupes que les politiciens qualifient habituellement de faibles, au sein de notre société, ou de « petites gens ». Il existe parmi ceux-ci une grande disposition latente à une réforme sur ce plan. C’est un état d’esprit qui est remarquable d’abnégation, si l’on pense à la dureté de l’existence que ces personnes ont souvent menée. À moins que ce ne soit une manifestation de l’éternelle soumission. De toute manière, ces gens souffrent d’être à la charge de la société à certains égards, de ne pouvoir prendre leur sort en main dans les établissements de longue maladie où ils se trouvent, et ainsi de suite. Au fond, ils comprennent fort bien qu’on doit tout d’abord miser sur les classes d’âge actives et assurer le niveau de vie de celles-ci.

(...) dès les soixante-dix ans, lorsque les forces commencent à décliner et que les maux inhérents à la vieillesse commencent à se manifester, alors la pression des jeunes devient également plus sensible et le poids de la crise et du chômage est en quelque sorte transféré sur les épaules des inactifs. Et, si nous faisons ce qu’il faut pour la renforcer, la voix de la solidarité deviendra tellement plus forte que celle de la volonté individuelle de vivre qu’on en viendra à demander de quitter cette vie, peut-être à titre de dernière manifestation d’indépendance.

Ce à quoi je viens de me livrer, c’est bien entendu de tirer pour vous les principales conclusions de l’enquête. Ce que je voudrais maintenant faire remarquer, c’est que nous sommes sur le seuil d’une nouvelle phase, qu’une mutation est à notre portée sur la question de l’euthanasie. On a atténué la souffrance individuelle. En échange, il convient que l’esprit de sacrifice se manifeste en nous et exige d’être délivré de la vie le moment venu. Il est évident que nous ne sommes encore qu’au début d’une évolution qu’il nous faut diriger au moyen d’une campagne d’information patiente et sophistiquée, avant que la solution finale puisse prendre forme. Cette solution finale, nous voulons, au sein du PTEH, la qualifier au moyen de la formule bien connue d’obligation librement consentie. Par librement consentie, je veux bien entendu dire qu’il s’agira d’une décision prise par les instances suprêmes du pays, en toute bonne démocratie. Ceci place les choses sous un jour nouveau, n’est-ce pas ? Le modèle évident de la solution que nous proposons, en matière de bien-être collectif, ce n’est ni plus ni moins que ce que nous avons connu lors de l’adoption du principe de la retraite complémentaire obligatoire pour tous. Permettez-moi de faire, encore une fois, la comparaison avec le mouvement du « droit à sa propre mort » et à ses testaments demandant l’interruption des soins. Ceci, c’est la solution individuelle : une assurance individuelle face à une mort douloureuse. Ce à quoi nous visons, c’est à une solution au niveau de la société : le droit, garanti par la constitution, de ne pas avoir à redouter une vieillesse prolongée et les maux qui l’accompagnent. C’est le type de solution qui nous convient le mieux, (…) car elle est à la fois collective et obligatoire. Tous les citoyens de ce pays doivent pouvoir être assurés que, lorsque sera atteint un certain niveau de maladie incurable, de dépendance ou de sénilité – ou, mieux encore, un peu plus tôt que cela, c’est-à-dire un certain âge –, la société interviendra pour administrer une mort exempte de souffrances et libératrice. Ce n’est pas quelque chose qu’on doive être obligé de quémander, comme on mendiait, jadis, telle ou telle prestation sociale !

Extrait de « La mort moderne » de Carl-Henning Wijkmark.

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